SEATTLE - ETAT DE WASHINGTON - 8H52 PM 20h52. Un soupire m'échappa lorsque je me rendis compte que ma journée touchée à sa fin. Enfin ! Rien avoir avec le fait que je n'aimais pas mon boulot, non, je l'adorais. Or, cette journée avait été des plus éreintante. Entre les diverses post-up de Teddy et ces incompétents .. Ces internes .. Je n'eus à peine le temps de respirer. J'enfilais ma veste tout en descendant les marches unes à unes, espérant ne croiser personne, quiconque étant avisé de me remettre un bistouri en main. Non, en cette soirée, je comptais me détendre. En l'espace d'une petite heure ou deux ce n'était pas cher payé.

Je saisis la poignet de la porte apparente du bar de Joe, fin de Joe ET de son compagnon puis pénétrais à l'intérieur. Le bruit de mes talons, bien que minime retendit dans les locaux, si bien que des regards vinrent à se tourner vers moi. De la gente masculine, en majorité. Quels animaux en rûte ceux-là ! Je viens alors m'asseoir à ma place habituelle et trouva Alex, non loin de moi. Celui-ci me fit un léger sourire que je tentais de rendre. « Comme d'habitude, ma belle ? » J'acquiesçais aux dires du barman qui s'empressa de me servir une tequila refroidie face aux glaçons. Généralement, lorsque je buvais, lorsque nous buvions, nous n'étions qu'épave. Aujourd'hui je n'avais pas envie de faire couler le liquide au point d'en vomir.

Sitôt, après avoir bu une gorgée de mon breuvage mon regard se posa sur une personne. Il ne semblait pas m'être inconnu mais était surtout infirme. En fauteuil roulant. Non pas que cela était troublant bien que de le voir me fixer ainsi ..

« Bonjour Cristina. Tu ne me reconnais certainement pas car j'ai un peu changé depuis la dernière fois. Je suis Brian Cooper, j'étais le fiancé d'Emy. » Sur le coup je crus m'étouffer. Emy, cette fille dont je n'avais plus de nouvelles depuis bien des années. Nous étions amies autrefois, du moins je le pensais. Elle n'avait pas cherché à reprendre contact avec moi et je ne fis que l'imiter. Mais attends ! Comment cela se fait-il qu'il souffre d'une paralysie des deux jambes ? Serais-ce à cause de problèmes de couple ? A méditer ! Les personnes amoureuses font parfois des choses manquant de réflexion. « Tu as l'air fatigué. » Je regardais l'homme qui se tenait non-loin de moi sans ciller. Pour être franche je ne savais quoi dire. Six années ... Six années et vos connaissances resurgissent ... Nous avions refais nos vies séparément et se dire nostalgique serait un ramassé de mensonges. En ce qui me concerne, bien évidemment.

- Je n'ai pas dormi depuis 48 heures.

Inutile de préciser le comment du pourquoi. Je fus embarqué dans une banale intervention de routine ayant engendré des complications, quoi de plus normal. La routine finalement. Il y en avait à la pelle. Ça ne me gênais pas de rester deux jours sans dormir, de devoir passer ma vie au Seattle Grace. J'étais faite pour ce boulot, qui viendrait à en douter ?

L’intéressé plongea sa main dans sa poche et une barre de céréales bon marché apparut sous mes yeux. Une inscription nuancé d'une police standardiste se trouvait sur l’emballage : saveur nougatine. J'observais Brian la déposer sur le comptoir tout en énonçant d'un ton paternaliste « Tiens mange, ça te fera du bien. » Mais je n'avais pas faim. Mon estomac était rempli de nourriture en tout genre, de trucs bourratifs. Bon d'accord, lors de mes pauses, il m'arrivait de m’enfiler la moitié d'une tablette de chocolat, des paquets de chips mais où était le mal ? Tout le monde faisait ça. Sauf évidemment les titulaires qui eux carburaient à la caféine. Ce sont des cas à part.

Je déchirais l’emballage avec mes deux mains. Je ne pouvais qu'accepter de l'engloutir. Non, en faite je ne savais pas dire non. Pas à un gars de mon entourage qui se retrouvait en position de force, bloqué entre deux roues. Vous me direz ce sont des gens normaux je le conçois mais comment refuser de la bouffe ? Vous me connaissez ! « Emy était une fille à part, sauvage, indépendante. Pour elle la médecine était sa vie, sa raison de vivre, sa rage aussi. Mais en toi elle avait une amie. Tu étais la seule personne que j'ai cotoyé à la maison. Je suis désolé si elle t'a déçu en ne donnant plus de nouvelles du jour au lendemain. Elle repoussait toujours ses limites, elle ne dormait pas beaucoup, elle a eut un accident de voiture il y a quelques années. J'ai appris son décès par un fax, en Irak là où j'étais mobilisé. Je n'avais pas de numéro pour te prévenir. Donc c'est en partie de ma faute. » Bizarrement lorsque Brian m’annonça que son âme sœur n'était plus de ce monde je ne ressentis rien. Pas plus de compassion que de tristesse. J'adorais Emy, c'est vrai et elle aura toujours sa place dans mon cœur -même si ceci n'est qu'un muscle qui pompe du sang- mais la destiné en a décidé autrement. Elle fit en sorte que nos chemins ne se croisèrent plus.

- Je suis désolé.

Mes lèvres frôlaient délicatement le récipient au liquide alcoolisé. Je percevais alors de la mélancolie émaner de lui or ne fis rien. Il me rétorqua que c'était le cycle de la vie en quelque sorte et qu'il fallait aller de l'avant. Je soupirais. Sans doute trop fier pour admettre que tout ceci ne fut que destruction pour lui. Enfin, là n'en était pas la cause. « En six ans il s’est passé beaucoup de choses. J’imagine que tu travailles à l’hôpital maintenant. Et mon petit doigt me dis que tu es très certainement un très bon chirurgien. » Un chirurgien tout aussi désarmé que les autres face aux meurtres de masse, oui ! Il y a de cela plusieurs jours, une dizaine tout au plus, je n'étais pas apte à mettre les pieds dans un bloc. C'était à en devenir fou !

- Ouais ...

Je ne quittais pas des yeux mon verre tout en songeant à ce fameux jour, toujours le même. Je le renvois posant son flingue sur ma tempe et Meredith me suppliant, me suppliant de pas tuer son mari. Sans vouloir me venter, j'avais fais preuve de courage. Un courage démesuré dont on ne viendrait en douter.